[button link= »http://explore-photo.com/au-coeur-du-sarek/ »]Episode précédent : Au coeur du Sarek[/button] Récit d’une journée idéale au milieu du Sarek, avec l’ascension du Voejnesjakka et 50km parcourus !
Samedi 7 Sarvesvagge – Carré des prédateurs / 11h30 17h / 12km / -10°C
Réveil avec presque toujours autant de vent, d’ailleurs, il n’a pas faibli de la nuit… et je ne suis pas vraiment pressé de sortir ! Après un certain temps à rester immobile dans mon cocon protecteur, je prend toutes mes précautions pour plier la tente, et en route. Je ressens tout de suite que ce ne sera pas un grand jour ! La vallée descend légèrement, la neige est bien durcie par le vent, et pourtant je n’avance pas. Bon, on s’accroche, le vent disparaît petit à petit, et les nuages sont restés derrière moi. Je profite rapidement de voir la vallée sans nuage, et continue vers l’est. Pour la première fois depuis le début du périple, je n’ai pas les idées claires sur mon programme du jour. Même si je m’adapte tout le temps aux conditions et à l’envie, en général quand je commence à marcher, les idées se fixent rapidement sur quelques objectifs possibles.
Aujourd’hui, même après quelques heures de marche, je n’en ai pas la moindre idée ! En fait, je me sens vraiment fatigué, je pense que je n’ai pas assez bu la journée d’avant et ce matin (la soif ne se fait pas vraiment sentir, il faut presque se forcer à boire !). Mes jambes me le font sentir maintenant… Pas de sommet pour aujourd’hui donc. J’avance à un petit rythme jusqu’à ce que la vallée Sarvesvagge s’élargisse, pour rencontrer la rivière Rahpaadno. L’endroit est connu comme étant Rovdjurstorget, le « carré des prédateurs« , où l’on peut rencontrer le lynx, l’ours, le glouton (wolverine en anglais) et l’élan le plus grand du Suède. Et en hiver, ils laissent de nombreuses traces dans la neige… Peut-être un bon endroit pour installer le camp, non ?
En quelques endroits, la rivière Sarvesjahka apparaît, et l’on peut voir un léger filet d’eau couler sous d’épaisses couches de neige. Le contraste est saisissant entre l’absence de vie végétale au dessus de la neige, et la présence dans les filets d’eau de mousses d’une couleur vive ! Je suis différentes traces d’animaux dans la forêt, remonte un peu au nord, pour avoir une position bien centrale dans le carré des prédateurs, et installe mon camp avec une superbe vue sur le Laddabakte, et tous les environs.
Bon, petite journée en kilométrage, mais qu’importe ! L’endroit est idéal, la forêt est pleine de vie, je suis entouré d’animaux qui laissent plein de traces tout autour de ma tente… Je me fais une grande soupe pour bien me réhydrater. Faisons donc un point GPS… tiens, où est-il ? Il est habituellement toujours dans ma poche, mais là, exceptionnellement j’y avais mis mon 2e objectif photo, et changé l’emplacement du GPS dans…la poche ouverte de ma veste ! Bon, il y avait quelques pentes soutenues dans la dernière heure (en suivant les traces d’animaux), j’ai du le perdre dans l’effort, aller, partons à sa recherche… L’avantage de la neige, c’est que l’on laisse des traces, je peux ainsi revoir chaque petit endroit où je suis allé ! Je me souviens l’avoir utilisé une heure avant de faire le camp, depuis il ne peut pas s’être envolé ! Je scrute attentivement mes traces, et 30 minutes plus tard je le découvre, bien enfoncé dans la poudreuse…
Ouf ! Revigoré par la soupe, je profite de la poudreuse légère pour m’amuser un peu en descente télémark, sur les pentes à l’ouest. Mes premiers essais sur les pentes de Glandasse dans le Vercors n’avaient pas du tout été concluants, c’est l’occasion de s’améliorer ! J’essai de mettre en pratique les conseils techniques que j’ai pu lire, et repense aux vidéos montrant le fameux « virage télémark » (on a le talon libre, il faut oublier ses réflexes de ski de rando classique ou ski de piste, et bien faire jouer le genou en montant le talon. L’équilibre est complètement différent)… et bien il n’y a pas à dire, ça marche : c’est probablement la latitude, au delà du cercle polaire tout devient plus facile ! Bon, je pense que c’est plutôt la poudreuse légère de rêve qui permet cela… je m’amuse donc pendant une heure, entre les arbres, les traces d’animaux, en profitant du soleil couchant… et content de voir que la forme est déjà revenue. C’était donc bien une mauvaise hydratation ! Il va être temps de réfléchir au programme de demain…
Dimanche 8 Carré des prédateurs – Bierikvagge – début Bastavagge – Voejnesjakka et retour / 8h 22h30 / 50 km / -12°C
Quand je me réveille, un silence absolu m’entoure. Le vrai silence. Pas de vent, pas de bruit humain évidemment, pas d’avion, pas d’eau qui coule, pas de feuille d’arbre qui bouge. Après quelques temps, un discret et lointain lagopède lance son cri interrogateur. je jette un coup d’oeil à l’extérieur : un grand ciel bleu, il fait -12°C… Que demander de plus ? J’avais mis mon alarme pour la première fois en espérant que de bonnes conditions météo reviennent, après 3-4 jours tourmentés, et bien cela semble être totalement le cas. La nuit m’a permit de me reposer totalement et je me sens… en grande forme !
Après un « grand petit déjeuner », je prend mes affaires pour la journée (en prévoyant quand même du mauvais temps qui se lève, on ne sait jamais), et laisse le camp et la pulka. Premier objectif, remonter au nord vers Bierik, l’endroit paraît-il magnifique que je n’avais pu voir il y a 4 jours. Tel Jörgen Brink ou Bjørndalen, je fonce sur la neige, le fait de ne plus avoir la pulka derrière moi me donne des ailes… je culmine à … 8km/h. Oui, bon, c’est déjà pas mal hein, je n’ai pas une piste préparée moi 😉 Le froid est vif, et avec le léger vent du nord, ça brûle un peu les poumons, et en tout cas ça givre la barbe ! Le thermomètre redescend à -15°C.
Une heure plus tard, je commence ma montée vers l’ouest, direction Pielastugan. Je surprend des dizaines de lagopèdes perchés dans les arbres, qui s’envolent en nuées à mon approche. La météo semble être vraiment stable, le vent à totalement disparu, et la vue devient de plus en plus belle au fur et à mesure que je m’élève vers Bierik. Dès que l’on passe la ligne des arbres vers 800m d’altitude, on a l’impression de rentrer dans la haute montagne, le paysage change immédiatement. Les traces d’animaux sont elles toujours aussi nombreuses.
En arrivant au niveau de Pielastugan, on a l’impression d’être sur un haut plateau (alors que l’on est tout juste 200m au dessus de la vallée de Rapadalen), dominé à l’est par le magnifique Bierikbakte (1789 m). Dire que l’endroit est réputé pour avoir des sables mouvants l’été…
Le Bierikbakte vue depuis Pielastugan. A droite la vallée Basstavagge :
Je me dirige vers la Basstavagge, que j’ai envie de voir de plus proche, surtout par de telles conditions ! La Vallée Bassatavagge est sur la gauche ici :
Détail sur une face sud de la Bastavagge :
Bon, il faut que je fasse demi tour, à moins de vouloir faire le tour complet de la Bassatavagge… mais ce sera pour une autre fois, j’ai d’autres projets ! Je veux continuer vers le nord est… Contre toute attente, je rencontre 2 suisses qui ont fait leur camp de base à l’entrée de la Basstavagge, et font quelques ascensions en ski de rando dans les environs. Nous discutons un peu (un peu de compagnie ça ne fait pas de mal !), puis je continue vers mon projet du jour : le Vuojnestjahkka, un sommet de 1952 m par lequel on peut accéder par l’est par des pentes modérées, puis une petite crête à la fin. Accessible, par contre il y a des kilomètres à faire (environ 12 ou 13)… donc, en avant toute ! Je met le mode turbo, passe le lac Bierikjaure à toute allure, continue vers le nord est pour rejoindre la crête, puis une fois dessus, bifurque à l’ouest.Vitesse d’ascension 600 m/h… au total les 1150 m de dénivelé sont fait en 2h (au début ça ne monte pas très fort). L’absence de pulka m’a donné des ailes ! C’est surtout que je suis hyper motivé pour aller au sommet, et que je vois bien que le temps s’écoule vite !
Au sommet du Vuojnestjahka :
Quelle joie d’être ici, seul, sur un sommet au beau milieu du Sarek, avec une vue complètement dégagée ! Je l’ai attendu mon sommet, mais je n’avait pas prévu de voir quelque chose d’aussi beau ! Je profite de ces instants trop courts, et regrette presque je ne pas avoir emmené la tente… Au nord les montagnes du Stora Sjöfallets, au sud le Skarki, l’Alkatj à l’ouest… On peut tout voir d’ici, c’est incroyable !
Les montagnes du Stora Sjöfallets vues depuis le sommet du Vuojnestjahka :
Sauf erreur, le grand glacier du Alkatj, au sud ouest du Vuojnestjahka :
Vue au sud, vers Basstaskajdasj et Skarki
Je suis étonné de voir des traces de pipi tous les 20 mètres, même sur la crête finale, même au sommet. Un animal veut me faire comprendre que c’est bien son territoire ! Pas de problème, je ne suis que de passage. 🙂 J’irai bien au bout de la crête jusqu’au point d’altitude 1942m, pour avoir une vue plus dégagée vers l’ouest, mais il y a 1km à faire entre rocher et glace, il faut se rendre à l’évidence, je n’ai plus trop le temps… Le soleil décline déjà sur l’horizon, les couleurs deviennent plus intenses, voire commencent déjà à se teinter de jaune-rouge… Il faut rentrer,vite, j’ai encore 25 km à faire avant d’arriver à mon camp !
La descente me permet de travailler encore une fois mon virage télémark. Une fois passée la neige dure de la crête, la poudreuse légère permet de bien s’amuser… Quand je reviens au niveau du lac Bierikjavre, le soleil à quasiment disparu, et colore magnifiquement le Bierikbakte dont je ne me lasse pas :
Pielastugan sous la neige, le soir :
Mêmes vue fabuleuses que plus tôt dans la journée, mais lumières complètement différentes ! Quand le soleil disparaît vraiment, il me reste encore 10 km à parcourir, je me suis gelé les mains pour prendre en photo les dernières lueurs du jour…et un bon petit vent glacial se lève, -20°C… Plein de bonnes raisons pour foncer ! Au bout de 30 minutes à fond, je suis enfin réchauffé et j’ai retrouvé mes doigts et orteils La lumière décline, décline… je me dis qu’avec un peu de chance je finirai de skier avec des aurores boréales au dessus de moi ! Et bien non, juste la nuit. Il me reste encore 2 km à parcourir dans la forêt, je ne vois plus mes traces du matin… et il me faut retrouver ma tente. Pas de soucis, le GPS me permet encore une fois de tomber dessus sans perdre de temps à chercher. Appréciable après une telle journée ! Une grande soupe, une double ration de je-ne-sais-plus-quoi lyophilisé, et je m’endors sans même chercher à savoir s’il y a des aurores boréales ce soir. Il est déjà minuit.
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